Deux illustrateurs
québécois récompensés

Une belle découverte ...

Alors que je cherchais des idées d’articles pour le blogue, on m’a appris l’existence d’un concours international que je ne connaissais pas, le Nami concours, qui récompense des illustrateurs de livres jeunesse. Il a lieu tous les deux ans et se déroule sur l’île de Nami (남이 섬), en Corée du Sud.

L’éditeur québécois qui m’en a parlé, m’a précisé que deux de ses illustrateurs ont gagné le prix Purple Island : Manon Gauthier, illustratrice pour l’album Elliot (2015), et Julien Chung pour ses dessins dans Dépêche-toi ! (2017), tous deux publiés aux éditions Les 400 Coups.

Je me suis empressée de les contacter pour avoir de plus amples informations. Et comme je suis toujours à l’affût d’une occasion pour partager ma passion pour la Corée du Sud 😉 autant dire que j’étais très heureuse qu’ils aient accepté de me rencontrer.

C’est quoi, le Nami concours ?

L’île de Nami, située à 63 km de Séoul, est l’un des partenaires de ce concours, offrant ainsi un cadre magique pour toutes les activités qui y sont liées. L’île est une parenthèse de beauté où la nature a sa pleine place. C’est une destination écotouristique très prisée par les familles coréennes, qui aiment s’y rendre pour la journée afin de se détendre et de pratiquer des activités en plein air. L’île attire plus de trois millions de touristes par année, dont un million d’étrangers.

Tout a commencé en 2005 avec le festival Nambook, qui a pour vocation de rapprocher les lecteurs des livres, et surtout, de donner aux enfants la possibilité de rêver et de s’évader en lisant le plus possible d’histoires. Pour ce faire, de nombreuses campagnes de sensibilisation, des expositions et des activités sont organisées et offertes tout au long de l’année.

Pour poursuivre cette philosophie, le président de Namibook, monsieur Kang Woo-hyon – illustrateur de formation – a lancé en 2013 un nouveau projet, le Nami concours. Ce dernier met en avant et récompense les illustrateurs jeunesse du monde entier qui ont à cœur l’éveil des enfants par le biais de livres jeunesse. La 3e édition de ce concours s’est tenue tout récemment (début mai 2017) sur l’île de Nami, en présence de la vingtaine d’illustrateurs gagnants. En quelques années, ce concours est devenu une plateforme incontournable du travail des illustrateurs de livres jeunesse. En effet, pas moins de 1 777 candidatures issues de plus de 89 pays ont été présentées !

Deux Québécois à l’honneur

Julien Chung est l’un des récipiendaires du prix Purple Island 2017 pour son album Dépêche-toi ! Contrairement à style habituel aux illustrations très colorées, Julien a travaillé en noir et blanc pour ce livre sublime, donnant ainsi vie à des animaux en plein mouvement.

Julien vit sur la Rive-Sud de Montréal et travaille comme graphiste pour La Presse. En 2000, il décide de se lancer dans l’illustration afin de stimuler sa créativité et de «varier les plaisirs», comme il le dit lui-même. Ses créations sont vite rapidement remarquées. Particulièrement en Asie d’où des personnes, intéressées à fabriquer des produits dérivés de ses dessins, le contactent pour obtenir son autorisation. Il faut dire que ses personnages s’y prêtent bien. En 2014, Julien se lance dans l’illustration de livres jeunesse et c’est en 2016 qu’il entend parler du Nami concours au Salon du livre de Bologne, en Italie – le plus important salon du livre de livres jeunesse au monde – et son éditeur lui recommande également de s’inscrire. Julien apprend alors début 2017 que son nom figure dans la liste des gagnants. Malheureusement, en raison d’un agenda surchargé, il n’a pas pu se rendre en Corée du Sud pour participer aux célébrations.

J’ai eu ensuite rendez-vous avec Manon, récipiendaire du même prix en 2015, qui accepte bien gentiment de me raconter son expérience au concours autour d’un thé ;-). Depuis toute petite, elle a toujours été attirée par l’Asie, mais m’avoue bien honnêtement qu’elle ne connaissait rien à la Corée du Sud avant d’y aller, en dehors des quelques informations glanées ici et là dans les médias. Je dois vous dire que dès ma première question, les yeux de Manon se sont mis à pétiller d’un éclat digne des contes de fées : la magie était dans la pièce. Je découvrais que, tout comme moi, elle avait été touchée par le charme de la Corée du Sud. Pas facile à expliquer, il faut s’y rendre pour comprendre. 😉

Manon a un style bien à elle. En effet, elle allie savamment découpage et dessins pour donner vie à des personnages souvent empreints d’une certaine douceur et de mélancolie, et dont on a l’impression qu’ils prennent le temps de faire les choses.

C’est son éditrice à l’Isatis qui lui propose de s’inscrire à ce concours coréen et d’envoyer ses illustrations par Internet. Avec un procédé si rapide et surtout peu coûteux, Manon se dit qu’elle n’a rien à perdre à essayer. En décembre 2014, des amis lui annoncent la nouvelle: ils ont vu son nom apparaître dans la liste des nominés, diffusée sur Facebook. Manon attend donc, avec impatience le dévoilement des noms des gagnants prévu fin février 2015. Elle apprend alors que son album Elliot est sélectionné. C’est l’histoire d’Elliot, petit lapin à la recherche d’une famille pour l’aimer. Manon prend alors conscience que «c’est du sérieux cette affaire-là». Elle est invitée pendant une semaine en Corée du Sud, et doit seulement assumer le coût du billet d’avion. Mais 1200 $, ce n’est pas rien ! Elle décide donc de demander un soutien financier aux niveaux fédéral et provincial. Manon obtient finalement une subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Et la voilà en partance pour la Corée du Sud, se demandant ce qui peut bien l’attendre pendant cette semaine. 😉

Une superbe opportunité pour les illustrateurs

Julien Chung est l’un des récipiendaires du prix Purple Island 2017 pour son album Dépêche-toi ! Contrairement à style habituel aux illustrations très colorées, Julien a travaillé en noir et blanc pour ce livre sublime, donnant ainsi vie à des animaux en plein mouvement.

Une fois sur place, les gagnants sont pris en charge à 100 %. Tout est fait pour qu’ils aient le meilleur aperçu du pays et de sa culture : des visites sont organisées pour découvrir les hauts lieux culturels de Séoul, la gastronomie coréenne et ainsi prendre le pouls de ce peuple chaleureux et accueillant. Manon est tombée en amour avec la Corée dès le début de son séjour. Quand je lui demande de me raconter les moments forts de son voyage, elle me répond que son arrivée sur l’île de Nami a été un pur moment d’émerveillement, comme dans un rêve.

À la tombée du jour, les participants aperçoivent depuis le traversier, un comité d’accueil qui les attend sur le quai de l’île. Pour rajouter à la magie, tous les arbres sont décorés de lanternes de papiers multicolores. À peine arrivés, les gagnants sont applaudis par les le comité organisateur du concours et les employés, et Manon précise : «comme si on était des champions olympiques».

Ce moment chargé en émotions a été pour tous les illustrateurs présents, une occasion extraordinaire de reconnaissance professionnelle. Son 2e coup de cœur a été sa visite de l’île de Jéju, où, durant deux jours, elle a pu admirer les beautés de cette île magnifique. En tant que «jejuphile officielle», j’étais heureuse de constater que je n’étais pas la seule à avoir eu ce coup de foudre. 😉

De plus, Manon garde un souvenir impérissable de son atelier de dessins (basé sur ses illustrations) avec des petits Coréens. Elle offre beaucoup d’ateliers de ce genre au Québec et c’est toujours une grande source d’inspiration pour elle.

Une île centrée sur les arts

Durant le concours Nami, tout est orchestré pour faire connaître le talent des illustrateurs nationaux et internationaux :

  • le comité présente au public une grande exposition où chaque gagnant est mis en avant ; son histoire et ses personnages se retrouvent parfois présentés en 3D.
  • Une grande campagne de presse en Corée du Sud est également organisée, et des activités dans les écoles coréennes sont offertes.
  • Le gagnant du Grand Prix bénéficie de la traduction de son livre, et donc de sa publication par une maison d’édition coréenne.

C’est pas compliqué, Manon me disait qu’à la fin de la semaine, personne ne voulait plus partir. Je les comprends. 

Manon a adoré la rencontre avec ses collègues venus d’ailleurs, leurs échanges sur les défis et les conditions d’exercice de leur métier dans leurs pays respectifs, mais aussi et surtout le le partage de leurs impressions sur l’événement. Manon m’a confié que cette aventure lui a donné des ailes, a renforcé son estime de soi professionnelle et lui a permis de se lancer de nouveaux défis à son retour au Québec. En conclusion, elle estime que dans sa vie, il y a un avant et un après Nami concours. D’ailleurs, elle constate que cela a été aussi le cas des autres illustrateurs avec lesquels elle est restée en contact. Aujourd’hui, elle n’a qu’un rêve : y retourner ! Elle a tellement le sentiment d’y avoir laissé son cœur.

Alors si vous êtes illustrateurs et que l’aventure vous tente, allez visiter leur site, le concours a lieu tous les deux ans.

En 2017, Manon m’annonce avec fierté que le Andersen Picture Book Center sur l’île de Nami a récemment utilisé, de bien belle façon, deux illustrations de l’album que Manon leur avait dédicacé à son retour de voyage.

L’histoire d’amour entre Manon et l’île de Nami se poursuit puisqu’en 2020, l’hôtel de l’île offre certaines chambres selon la thématique des illustratrices et illustrateurs, propose désormais une chambre à la thématique d’Elliot !  

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