Avec Kooza, le Cirque du Soleil «déconnectent» les Coréens !

Le Cirque du Soleil a-t-il encore besoin d’être présenté ? C’est une entreprise québécoise de renommée internationale qui a réinventé l’art circassien dans le milieu des années 1980. Son siège social est à Montréal, mais le Cirque a fait rêver près de 190 millions de personnes à travers le monde, en offrant des performances toujours aussi spectaculaires que magiques. En quelques chiffres, ce sont 4 000 employés, dont 1 400 artistes et 18 spectacles simultanés.

Son parcours hors norme a permis à des nombreuses compagnies québécoises de voir le jour, comme Les 7 doigts de la main, le Cirque Éloize. Il a aussi favorisé, à Montréal même, l’implantation d’un lieu de création et de spectacle entièrement dédié au cirque, La Tohu. Vous l’aurez compris, quand on parle du renouveau du cirque, c’est au Québec que ça se passe 😉

Le Cirque du Soleil et la Corée du Sud

La Corée du Sud n’échappe pas au succès mondial du Cirque du Soleil, puisque plusieurs spectacles ont été présentés dont Quidam (퀴담), en 2015.
Après la Chine en octobre et avant la Nouvelle-Zélande en février 2019, le spectacle Kooza a fait une halte à Séoul, au Stade olympique Jamsil, du 3 novembre au 6 janvier 2019.

Je vous avoue être une fan finie de cette forme de divertissement et ne manque aucune occasion d’en profiter : spectacles de fin d’année de l’école nationale de Cirque, programmation régulière de la Tohu, Montréal complètement cirque pendant l’été et même certains shows du Cirque à Las Vegas (Ka et Love des Beattle). Alors comme j’étais en Corée fin novembre, je tenais à être dans le public, avec les Coréens, et voir comment le show était perçu là-bas. J’ai eu la chance d’assister à l’une des représentations, la 3821ième pour être précise 😉

Créé en 2007 par David Shiner et vu par plus de 7,5 millions de personnes à travers le monde, ce spectacle proposé sous chapiteau, avec une scène à 260 degrés, renoue avec la vision traditionnelle du cirque (clowns, acrobaties) et raconte l’histoire d’un jeune homme timide et solitaire qui s’échappe dans un monde magique et exotique où tout est possible grâce à un génie charmant et agile, le Trickster.

Kooza, une histoire qui parle aux Coréens

À travers les différents numéros, on constate l’évolution du jeune garçon qui prend de l’assurance pour faire face aux défis qui s’offrent à lui. Quand on connait un peu l’histoire de la Corée et le quotidien des Coréens, on comprend vite que les thèmes abordés par Kooza comme la peur, l’identité, la reconnaissance et le pouvoir résonnent particulièrement forts chez eux.

Le public coréen, un public en or

Quand on arrive à l’entrée du Cirque, on se croirait dans le Vieux-Port à Montréal : même ambiance, même décor, mais à ma grande surprise, il y avait peu de monde à la billetterie.
J’ai très vite changé d’opinion en gagnant mon siège, car la salle était comble (2 400 places) et le public très intergénérationnel.
En Corée, ne soyez pas surpris, mais dès que vous êtes assis, on vous demande très vite d’éteindre votre cellulaire, même si vous avez le droit de prendre des photos sans flash. C’est comme cela;-)
Quand un tel spectacle voyage à travers le monde, c’est généralement l’anglais qui domine dans les communications, mais j’ai trouvé plutôt sympa que plusieurs interventions orales et écrites aient été faites en coréen, le public se sent alors plus impliqué pour le déroulement de l’histoire. Et ce soir-là, je vous assure que ça fonctionnait en s’il vous plaît 😉
Je n’avais jamais vu un public aussi démonstratif, à tel point que je me suis demandée si on m’avait mise dans une section particulièrement réceptive, mais non c’était partout pareil 😉 Les numéros de haute voltige avaient leur lot de cris, de «ça fait trop peur» «무서워» et des rafales d’applaudissements.

Et pour se remettre de ses émotions, le public avait beaucoup de plaisir avec les numéros des clowns, très présents dans Kooza. Petit malaise culturel ce soir-là quand ils ont fait monter sur scène pour un numéro une jeune fille du public apparemment très gênée, et qu’on a senti un peu paniquée lorsqu’un jeune artiste torse nu s’est approché d’elle.

Définitivement, elle n’avait qu’une seule envie c’était de quitter la scène au ps 😉 Je vous rassure, rien de très déplacé, tout le monde était très bienveillant et le Cirque sait très bien s’adapter aux mœurs et coutumes des pays qu’il visite. Mes voisins de siège qui étaient dans la vingtaine étaient crampés de rire 😉

À un moment donné, on assiste à un numéro spectaculaire d’équilibristes sur fil «High Wire»: deux fils sont suspendus en hauteur et sur le plus haut à 7,6 mètres du sol, deux artistes s’activent sur des vélos posés sur le fil et entre eux, deux barres parallèles supportent une chaise sur laquelle un troisième artiste s’assoit avec beaucoup de précautions. Je peux vous dire qu’à cet instant précis, personne ne respirait dans la salle et dès que le numéro s’est terminé, les applaudissements n’en finissaient plus, à tel point que l’artiste a remercié l’audience en coréen : «gomawoyo» «고마워요» !

Le Cirque en tournée, ça représente quoi exactement ?

Kooza, ce sont 50 artistes et musiciens sur scène, et près de 115 personnes qui s’occupent de la logistique et de la technique. C’est aussi de l’emploi local pour le montage, le démontage et le personnel pendant les représentations, soit plus que 120 Coréens en tout.
Déplacer un tel spectacle nécessite 95 conteneurs dont certains servent d’ateliers ou de bureau durant le séjour, comme c’est le cas pour la direction technique, les relations de presse et la cuisine.
L’équipe des cuisiniers, parmi laquelle deux Québécois, prépare 300 repas par jour pour 22 nationalités présentes dans la tournée. Elle s’ingénie à varier les thématiques culinaires ; ce soir-là, c’était le Brésil qui était à l’honneur.

La logistique des costumes est impressionnante : 3 500 pièces dont 1 200 sont portées à chaque représentation et lavées immédiatement à la fin du show. Leur entretien en tournée, surtout en Asie à cause du taux élevé d’humidité, est tout un défi et nécessite de l’inventivité et une grande capacité d’adaptation. Dans ce cas-ci, un système de ventilation au sol a été élaboré pour permettre aux vêtements d’être secs pour le show suivant.

Une grande campagne de promotion accompagnait la venue du spectacle, mais c’est surtout le bouche-à-oreille qui a fait le succès de Kooza. Après trois semaines, 120 000 personnes l’avaient vu, et des supplémentaires ont été rajoutées au début janvier 2019.
En tout, ce sont 192 000 Coréens qui auront vu Kooza. Ce fut une soirée extraordinaire, où j’ai constaté, une fois encore, un bel exemple de la générosité et de la curiosité des Coréens pour les cultures étrangères.

Ces dernières années, la Corée du Sud a effectué des changements majeurs au sein de sa société, notamment en abaissant le nombre d’heures hebdomadaires de travail de 68 à 52 heures en 2018. Je pense que, progressivement, la Corée va entrer dans une ère de société de loisirs, en offrant ainsi de belles opportunités pour les Coréens de voir plus des spectacles étrangers

Un immense merci à Frédéric pour son accueil.

Bien que j’ai bénéficié d’une invitation média pour ce spectacle, sachez que mes commentaires n’engagent que moi 😉

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