Xavier Dolan et la Corée du Sud : un amour loin d’être imaginaire !

Pour la petite histoire…

Parfois dans la vie, les planètes s’alignent sans qu’on s’en rende compte pour donner lieu à une histoire sympathique dont l’héroïne est la culture québécoise à l’étranger.
La synchronicité est un élément crucial de cette aventure. Fin août, je suis au marché Jean Talon accompagnée de deux étudiantes coréennes en visite au Québec, que j’encadre. Elles apprennent le français et adorent le cinéma québécois. Alors que nous étions dans une boutique, j’entends une voix familière, celle de la comédienne Anne Dorval. Mes étudiantes ne la reconnaissent pas, mais je me permets de l’aborder en lui demandant si elle peut leur dire quelques mots sur le fait de collaborer aux films de Xavier Dolan. Avec une exquise gentillesse, elle accepte et nous explique que Xavier Dolan aime particulièrement la Corée du Sud, qu’il lui en parle souvent et surtout qu’il adore les affiches qui sont faites là-bas pour promouvoir ses films, à tel point qu’il fait affaire avec une compagnie coréenne pour produire ses affiches de film en quatre langues : anglais, français, coréen et italien. Je peux vous dire qu’à ce moment-là, mes étudiantes étaient aux anges 😉 Elle leur offre une belle dédicace et leur souhaite un beau séjour au Québec.

Quelques jours plus tard, je pars pour Séoul et mon agenda est pas mal chargé, même si je me garde toujours une petite place pour l’imprévu. Et ce fut une bonne décision, puisque j’ai reçu un message me proposant la visite d’un lieu qui apparemment me plaira beaucoup. Comme je fais confiance à la personne qui m’écrit, je dis oui sans hésiter. Et je ne l’ai pas regretté 😉

Pour les passionnés du 7e art à Séoul : le cinéma d’art et d’essai, ArtNine (아트나인)

Je me rends à la station de métro Isu (ligne 4 et 7), sortie 7. Mon contact m’explique qu’on va rencontrer l’équipe d’un cinéma d’art et d’essai, ArtNine. Passionnée de cinéma, je suis très curieuse de découvrir cette entreprise et son fonctionnement. Car promouvoir et distribuer des films qui sont en marge des grosses superproductions n’est pas une mince affaire (à preuve la fermeture récente de l’Ex-Centris, ici, à Montréal). Cela demande beaucoup de moyens et de passion.

ArtNine a ouvert ses portes en janvier 2013 et le cinéma est situé au 12e étage d’un bâtiment à bureaux. En sortant de l’ascenseur, on arrive dans un lieu unique et ce, pour plusieurs raisons : sa riche programmation de films étrangers, son atmosphère conviviale et chaleureuse et sa terrasse extérieure incroyable.

Des projections de films peuvent être réalisées à l’extérieur et il est aussi possible de manger avant ou après une séance grâce à leur restaurant-café.

C’est avec Les amours imaginaires que tout a commencé !

La particularité de ce cinéma est que la compagnie At9 Film, propriétaire de ArtNine, détient les droits de distribution de tous les films de Xavier Dolan pour la Corée du Sud. En effet, en 2010, le patron de At9 Film qui se promenait sur la Croisette, à Cannes, est tombé sur l’affiche du film Les amours imaginaires. Le coup de cœur fut immédiat. Il décida alors d’en faire l’acquisition avant même de l’avoir vu. Et c’est ainsi que l’aventure commença.
Le film fut présenté dans 20 salles en Corée, ce qui est beaucoup pour un premier film étranger. En 2012, avec la sortie internationale de Laurence Anyways, la réputation du cinéaste québécois commence à s’établir mondialement. At9 Film attend un peu avant d’acheter les droits du film, car son sujet, la transsexualité, est délicat à présenter en Asie et que sa durée, près de trois heures désarçonne les spectateurs. Cependant, les cinéphiles sont au rendez-vous, c’est un beau succès avec 20 000 entrées. Les Coréens commencent à découvrir l’univers poétique de Xavier Dolan.

Une passion récompensée par les hasards de la vie

Quand Mommy est primé à Cannes en 2014, At9 Film estime qu’il aura peu de chance de mettre la main dessus, sachant que la concurrence sera féroce et qu’un distributeur plus fortuné obtiendra les droits de distribution. Avec raison, car c’est une autre compagnie coréenne qui les acquiert.
At9 Film ne se décourage pas et achète les droits des autres films de Xavier Dolan : Tom à la ferme (2013) projeté en salles en Corée en 2014, J’ai tué ma mère (2009) présenté en 2015 jusqu’au plus récent, Juste la fin du monde que les Coréens ont pu découvrir en janvier 2017 à Séoul. Mais la vie réserve parfois des surprises : la compagnie qui détenait les droits de Mommy fait faillite, ce qui permet à At9 Film d’en récupérer alors la distribution (le film a fait 56 000 entrées).

Protéger et préserver le cinéma d’art et d’essai

La Corée du Sud n’échappe pas à la domination des multiplex, mais ArtNine est comme une belle bulle où l’on favorise la culture venue d’ailleurs. L’équipe du cinéma travaille d’arrache-pied pour promouvoir ce genre de films. Pour ceux de Xavier Dolan en particulier, des produits dérivés sont offerts comme des cartes postales, des calendriers et parfois de petits livres qui reprennent le synopsis.
Madame Park, responsable des achats et du marketing, nous a confié qu’ils faisaient affaire avec un artiste qui a le vent en poupe, Jaeho Park. Ce graphiste coréen conçoit les affiches de film comme des objets d’art. Il a réalisé en autres, les affiches de Mommy et de Juste la fin du monde. Ceci nous confirme bien l’anecdote que nous a racontée Anne Dorval à savoir que cet artiste a le mandat de créer les affiches de Xavier Dolan en quatre langues et ce, depuis la diffusion de l’affiche coréenne de Mommy.

Si vous êtes cinéphile et que vous passez quelques jours à Séoul, ne vous privez pas d’une visite chez ArtNine, un lieu culturel important et indispensable pour s’ouvrir au cinéma d’ailleurs. On espère que si Xavier Dolan fait un tour par Séoul, il trouvera le temps de s’y rendre pour rencontrer cette équipe motivée qui met superbement son travail en valeur, avec passion et enthousiasme.

Une reconnaissance et des remerciements tout particuliers aux personnes suivantes :  Anne Dorval pour sa générosité, Madame Park de At9 Film pour son temps, sa passion et ses produits dérivés et surtout, Mme Lee de la Délégation du Québec à Séoul, sans qui cette rencontre n’aurait pas été possible.

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