À la découverte de la francophonie : est-ce que la Corée du Sud lit des livres québécois ?

La Corée du Sud et la culture francophone

Personnellement, j’ai la conviction que la culture joue un rôle essentiel dans chaque société et je suis toujours émerveillée de voir les livres voyager à travers le monde et ainsi, toucher un grand nombre de lecteurs avec des univers souvent différents de notre réalité. Durant mes voyages en Corée du Sud, j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs Coréens qui se sont montrés très curieux à l’égard du Québec.

Un petit rappel du contexte historique de la Corée s’impose pour bien comprendre la place de la culture dans cette nation. Depuis 1953, ce peuple est à nouveau maître de son territoire qui était à reconstruire au complet. Mais surtout, ce qu’on sait moins, c’est que les Coréens se sentent un devoir de redorer leur blason. Ils ont en effet beaucoup souffert de la propagande japonaise qui les a longtemps dépeints à l’étranger, comme une nation de paysans, un peuple sans culture et sans savoir-vivre. Aujourd’hui, la Corée du Sud est une puissance mondiale reconnue et depuis vingt ans, sa culture en pleine effervescence s’est imposée en Asie et un peu partout dans le monde. Francophiles de cœur, les Coréens ont toujours manifesté un intérêt pour la langue française. Pour eux, le français est proche du coréen quand il s’agit d’exprimer les sentiments, les émotions et les états d’âmes et ils se reconnaissent donc un peu dans notre univers.

Les Coréens lisent beaucoup, mais pas souvent pour le plaisir !

Dès leur plus jeune âge, les Coréens travaillent énormément et par conséquent, ont peu de temps pour les loisirs. Les familles misent beaucoup sur l’éducation des jeunes enfants, un enfant au primaire lira en moyenne 70,3 livres par année, contrairement à un étudiant qui en lira 8,9. La concurrence féroce pour trouver un premier emploi est si forte qu’elle force les jeunes à étudier sans relâche d’où les chiffres importants dans les ventes de manuels scolaires et de livres pour passer des concours (35 % des ventes de livres en 2015).
Si vous avez la chance de visiter une grande librairie comme Kyobo (l’équivalent de Renaud-Bray ou Archambault), vous remarquerez vite cette réalité. Un rayon pour les manuels scolaires et universitaires (22 % des ventes de livre), un bel espace ludique pour la littérature jeunesse (16 %), et un plus modeste pour les romans coréens et étrangers (11,6 %) se partagent la majorité de l’espace du magasin. Un aparté ici, faites un détour par le rayon papeterie, vous allez capoter, foi de compulsive 😉
On s’entend pour dire que ce rythme de vie effréné, essentiellement axé autour du travail, ne doit pas faciliter le temps consacré à la lecture de romans et encore moins à ceux de la littérature étrangère. Et pourtant, des éditeurs coréens font le choix de traduire et de publier des histoires québécoises, et ce depuis quelques années !

Un regain pour le fait français

Lors de mes rencontres avec des Coréens à Séoul, ils me racontaient qu’il y a plus de vingt ans, on pouvait facilement trouver une école ou une université qui offrait un enseignement de la langue française. Cet intérêt a diminué avec le temps et la langue de Molière a peu à peu cédé la place à l’anglais et au chinois (ah. Économie quand tu nous tiens !). Cependant, en novembre 2016, la Corée du Sud a intégré l’Organisation internationale de la Francophonie et depuis, les projets «se bousculent» dans les universités. Le département de langue et littérature françaises de l’Université d’Ajou (dans la superbe ville historique de Suwon, au sud de Séoul) propose un cours sur la Francophonie dans lequel des ouvrages québécois de référence sont étudiés. Ainsi, en 2015, des extraits du roman Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy, des poèmes de Gaston Miron et de Roland Giguère étaient à l’étude en français, mais ils se servaient aussi des traductions en coréen pour permettre aux étudiants de lire l’ouvrage au complet.

Wow ! Véritable coup de cœur pour cette équipe passionnée qui monte des projets extras pour les étudiants avec beaucoup d’enthousiasme.

Toute cette énergie laisse présager qu’une ère nouvelle débute en Corée concernant le français et aussi le français du Québec. Si on veut que ce ne soit pas qu’un feu de paille, il va falloir les soutenir et les encourager à découvrir la culture d’ici, chacun à son niveau 😉

Ma petite contribution de livres québécois offerts en 2016 au département de langue et littérature françaises – Centre de Coopération Francophone Ajou

Voici donc quelques titres québécois traduits en coréen :

En 2016, j’ai eu l’occasion de rencontrer Gregory, responsable des droits étrangers de la maison d’édition coréenne Open Books (열린책들) qui au détour d’une discussion m’apprenait qu’ils avaient publié une bande dessinée québécoise, Comédie sentimentale pornographique de Jimmy Beaulieu. J’ai trouvé cette nouvelle géniale, car la bande dessinée en Corée du Sud (manhwa) est un marché très compétitif.

Je tiens à remercier chaleureusement les maisons d’édition qui m’ont communiqué les titres traduits en coréen : Florence aux Éditions de L’Homme, Gregory d’Open Books, Fabien aux éditions La Pastèque, Nicolas aux éditions Les 400 coups et Nicoleta de Groupe Librex et Groupe Ville-Marie Littérature.

De plus, les chiffres mentionnés dans l’article ne sont pas sortis de mon chapeau… 😉 Pour cela, je remercie Livres Canada Books de m’avoir autorisée à utiliser des informations extraites de leur 3e édition du guide Selling Canadian Books in Korea, édition 2017.

Liens :

https://www.ajou.ac.kr/en/

livrescanadabooks.com

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