Camellia Sinensis en Corée du Sud : le thé coréen, un trésor authentique trop bien gardé !

À Montréal, l’amour du thé rime immanquablement avec un nom : Camellia Sinensis. Depuis 20 ans, la maison de thé québécoise nous fait voyager et découvrir des thés du monde entier. La première boutique à voir le jour est à Montréal sur la rue Émery, habilement plantée face au cinéma Quartier Latin. Une bénédiction lors des soirées ciné hivernales. Aujourd’hui il existe trois boutiques et salons de thé.

Derrière cette audacieuse aventure, c’est le travail de quatre passionnés : François, Hugo, Jasmin et Kevin, dégustateurs professionnels, qui a permis à la marque de se bâtir une solide réputation au Canada et à l’international. Chaque année, ces amoureux de thé parcourent le monde entier (Chine, Japon, Taïwan, Inde, Sri Lanka, Vietnam, Rwanda et Kenya) à la rencontre des producteurs locaux avec lesquels ils entretiennent de bonnes relations d’affaires, tout en étant à l’affût de nouveaux thés.

Au printemps dernier, j’ai rencontré François et Hugo pour parler de la traduction coréenne de leur livre Thé, histoire, terroirs, Saveurs, publié aux Éditions de l’Homme (2012).

Lors d’une visite à la boutique, j’apprends qu’Hugo part pour la Corée du Sud et que c’est une première ! À son retour, Hugo a eu la gentillesse de me raconter son voyage et ça tombait bien, j’avais une tonne de questions pour lui 😉

Je me demandais pourquoi ils avaient attendu si longtemps pour découvrir sur place, le thé coréen

Il s’avère que l’équipe de Camellia Sinensis connaissait l’existence du marché du thé en Corée depuis plus de 12 ans, et qu’elle recevait des échantillons de thé vert. Sauf que le coût au kilo était si élevé (en effet, la grande partie de la production est manuelle) que les gars privilégiaient des thés verts chinois de qualité identique, mais moins coûteux. Même s’ils avaient mis cette avenue de côté, ils n’avaient toutefois pas abandonné l’idée de l’explorer et d’aller se faire leur propre idée, sur le terrain. Ils étaient aussi motivés par la demande croissante des clients pour avoir du thé coréen dans les boutiques.

Prendre le pouls du marché coréen

En Corée du Sud, la culture du thé, essentiellement du thé vert et un peu de thé noir, existe depuis plus de quatorze siècles et les régions qui le cultivent sont : Handong, Boseong et l’île de Jéju.

Hugo était accompagné d’un ancien employé de Camellia Sinensis, Raphaël, qui vit en Corée. La compagne coréenne de ce dernier, Hyeon-su, servait d’interprète. Durant son séjour, il a rencontré une dizaine de producteurs des régions de Hadong et de Boseong et des spécialistes de deux grands centres de recherche.
Il a ainsi pu se faire une bonne idée du fonctionnement de l’industrie et du marché du thé en Corée.

Une surprise de taille !

Lors de ses rencontres avec les producteurs locaux, Hugo a été agréablement surpris de l’accueil chaleureux qui lui a été réservé d’une part et de constater d’autre part que Camellia Sinensis était connue en Corée ! Cette popularité insoupçonnée est due à l’édition coréenne de leur livre, dont les droits ont été acquis par l’Institut de thé de Corée (Korea Tea Sommelier Institute), LA référence pour le thé là-bas.
Implanté dans plusieurs villes coréennes, l’institut offre des ateliers aux professionnels et au grand public. L’un des outils utilisés en classe est La roue des arômes, créée par l’équipe de Camellia Sinensis. Ceci expliquait pourquoi la plupart des producteurs connaissaient leur travail. Alors là, on dit bravo !

Portrait de la production du thé en Corée

À Hadong et Boseong, Hugo a constaté que la fabrication du thé était proche du modèle chinois qui comporte beaucoup d’étapes manuelles. Cette façon de faire donne un thé de qualité avec beaucoup de caractère, mais qui entraîne un coût d’achat élevé !
Par contre, à l’île de Jéju, le processus de fabrication est plus mécanisé, semblable au modèle japonais, qui donne une production de thé vert abordable mais au caractère moins original.

Une culture biologique de qualité

Hugo a été étonné d’apprendre que la quasi-totalité de la production de thé en Corée est biologique. Les producteurs ont fait ce choix à la suite de la publication des rapports accablants de Greenpace en 2012 sur les pesticides présents dans les thés chinois, triste constat qui a beaucoup entâché la réputation de cette industrie. Il a également appris que la majorité d’entre eux utilisait des graines plutôt que des boutures pour produire leur thé, conférant aux théiers une durée de vie plus longue et un rendement aromatique plus élevé.
Hugo souligne d’ailleurs la qualité des thés qu’il a goûtés à Hadong et à Boseong où toutes les étapes de fabrication sont faites à la main, de la cueillette au séchage. Même la dessiccation des feuilles de thé (enlever l’humidité) est faite au wok, alors que cette pratique est en voie de disparition dans les pays producteurs de thé.

Un marché en quête de renouveau

Malgré la qualité des thés coréens, le marché local ne s’est pas beaucoup développé et modernisé comparativement aux autres pays que l’équipe de Camellia Sinensis visite annuellement en Asie. C’est un marché très protectionniste où des taxes de 20% sont imposées aux produits étrangers, mesure dissuasive pour toute compagnie étrangère qui envisagerait de s’y installer. Hugo pense que ce manque de concurrence freine l’innovation dans ce domaine et par conséquent, l’offre de nouveaux produits. Il est donc difficile pour les producteurs coréens de s’affirmer sur le marché international avec certes, des produits de qualité, mais qui restent trop spécifiques. Légitimement, Hugo se questionne sur l’intérêt réel des Coréens aujourd’hui pour le thé. En effet, il a été frappé par le nombre élevé de boutiques qui servent du café comparativement à celui des maisons de thé dans le pays.

Un voyage riche en découvertes et en rencontres

Dans la région de Boseong, Hugo a eu un coup de cœur pour un couple qu’il n’hésite pas à qualifier de «magique», monsieur «Ho» et sa femme, musicienne. Il y a 20 ans, ce couple a quitté la vie urbaine de Séoul pour s’installer à la campagne et y cultiver du thé. Un homme passionné par son activité et qui produit un thé pour lequel Hugo a apprécié «l’équilibre aromatique et la texture soyeuse de la liqueur.»

Prodondément inspiré de toutes ces belles rencontres, Hugo a été enchanté par son voyage et son expérience coréenne. Depuis ce voyage, Camellia Sinensis propose du thé coréen au Québec.

Un grand merci à Hugo pour son temps et sa gentillesse.

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